Outre de l'aliénation, l'accélération décrite par Hartmut Rosa produit de nouveaux maux.
Exemple : la débordite. Mal spécifiquement français, ou plutôt parisien, qui n’a rien à voir avec Guy Debord, mais avec le fait que nous semblons vivre sous la menace permanente d’une noyade imminente.
Nous sommes sans cesse « débordés », « sous l’eau », « noyés ». Une eau torrentielle qui engloutit le temps, le temps pour soi étant devenu le luxe suprême, inaccessible et prodigieusement convoité.
Or si nous vivons incontestablement une époque où le temps semble s’être accéléré, la débordite, qui a partie liée avec la réunionite, cache souvent une posture plus ou moins consciente : mieux vaut faire partie des gens qui courent après le temps que de ceux qui ont tout le temps…
Il y a un certain snobisme à être débordé, c’est valorisant, on est important, au moins un temps… Certains en jouissent, d’autres le subissent, dans une culture corporate française qui continue trop souvent à valoriser le temps de présence, quitte à ce qu’il soit… perdu. Une culture qui se combine à l’angoisse propre à notre époque incertaine et inquiétante : accumuler les choses à faire est rassurant, on se sent utile, on a l’impression d’avancer. Pour aller où ?
La question du sens, dans tous les sens du mot, mérite d’être posée lorsque précisément, quand il s’agit de se poser pour y réfléchir, « on n’a pas le temps ». Vraiment ?
Anne-Gaël Ladrière
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